Les leçons apprises dans le contexte de la COVID 19 et les défis à relever
La CONFEMEN a organisé, le 1er avril 2021, en partenariat avec le Bureau international de l’Education (BIE), un webinaire sur le thème : « Continuité pédagogique et utilisation du numérique pour la petite enfance dans le contexte de la COVID 19 ». Cette conférence virtuelle a été labellisée par le Groupe des Amis de la Francophonie dans le cadre de la Quinzaine de la Francophonie.
Dans son mot introductif, le Secrétaire général de la CONFEMEN a rappelé les travaux effectués ces dernières années sur la question de la petite enfance, notamment les réflexions menées autour de la 58e session ministérielle qui ont abouti à la publication du document de réflexion et d’orientation (DRO) sur le thème : « Favoriser le développement de la petite enfance et garantir l’accès à une éducation préscolaire équitable et de qualité : un socle pour la réussite des apprentissages ». Pour le Professeur Abdel Rahamane BABA-MOUSSA, les principaux résultats des évaluations PASEC2014, PASEC2019 et ELAN2016 démontrent d’une part que les difficultés d’apprentissage dès le début de la scolarité constituent un frein majeur à la poursuite d’études à l’école primaire et que l’abandon scolaire pénalise gravement les filles et d’autre part que les élèves ayant fréquenté l’école préscolaire obtiennent de meilleurs résultats, tout particulièrement en langue. En terme de perspectives, le Secrétaire général a indiqué qu’avec l’appui de ses partenaires, la CONFEMEN travaille, dans le cadre de son Observatoire de la qualité de l’Education, sur la préparation d’une note de plaidoyer politique pour convaincre les décideurs nationaux que les investissements humains et financiers dans les programmes de la petite enfance pourraient fortement contribuer à pallier les impacts des crises en générale et de la crise sanitaire actuelle en particulier sur le développement des enfants.
La principale communication scientifique a été assurée par Mme Agnès Florin, professeur émérite en psychologie de l’enfant et de l’éducation de l’Université de Nantes. Sa communication a porté sur « La continuité éducative et pédagogique pour la petite enfance en contexte de pandémie: garantir l’accès à une éducation préscolaire équitable et de qualité ». Introduisant sa communication Mme Florin a cité une note de synthèse des Nations-Unies qui disait que « les enfants ne sont pas le visage de la pandémie, mais ils risquent d’en être les premières victimes ». Elle a d’abord abordé la question de l’éducation et la protection de la petite enfance (EPPE) sous l’angle de son impact sur le développement et les trajectoires des élèves. Cet impact a été analysé à travers les résultats du PISA et de PASEC2019.
La maternelle a une influence positive sur les résultats scolaires
Les résultats de PASEC2019, tels que rappelés par Mme Florin, ont démontré qu’en début de scolarité, les élèves ayant suivi la maternelle réussissent mieux en langue et en mathématiques, comparés à ceux ne l’ayant pas fait. Le niveau moyen en langue et en mathématiques des élèves ayant fréquenté la maternelle est significativement supérieur à celui des élèves ne l’ayant pas fait. Les mêmes résultats sont constatés en fin de scolarité. Ce qui démontre que, globalement, la maternelle a une influence positive.
Mme Agnès Florin a ensuite rappelé les principales recommandations issues du DRO 2018 de la CONFEMEN et d’autres études. De ces recommandations, il ressort la nécessité de ne pas plaquer un modèle unique sur des réalités variées ; de favoriser des programmes adaptés aux contextes culturels des pays et conçus pour les jeunes enfants ainsi que des environnements linguistiques riches favorisant la participation active des enfants ; de développer l’utilisation des langues nationales avec l’introduction progressive du français et de préparer les enseignants locuteurs de ces langues à ces stratégies. Les recommandations vont également dans le sens du recrutement des intervenants et encadreurs en nombre et en qualité, de l’intégration des modules d’éducation inclusive dans les formations initiales et continues et dans le sens d’assurer une formation de qualité des enseignants d’EPPE en prenant en compte le numérique.
Mme Florin a fait part de l’impact de la pandémie de la COVID 19 sur l’éducation et la protection des enfants, notamment des perturbations et bouleversements engendrés. Pour elle, ce phénomène qui peut être qualifié de crise universelle, se manifeste par une exposition des enfants à la violence intrafamiliale et à la détresse psychologique et par l’augmentation de leur vulnérabilité à cause de la pauvreté et des logements surpeuplés. Pour ce qui est de la continuité éducative et pédagogique, Mme Florin considère qu’elle doit être assurée en accordant une priorité à la continuité des services centrés sur les enfants, en mettant l’accent sur l’équité d’accès aux services (programmes de nutrition, vaccination, autres soins maternels et néonatals, programmes communautaires de protection de l’enfance, scolarisation). L’accent doit être mis également sur l’aide concrète à la parentalité (parents, donneurs de soins) pour faciliter l’explication de la pandémie aux enfants, veiller a? leur sante? mentale et à celle de leurs enfants et pour leur donner des outils qui permettront de les aider a? poursuivre leurs apprentissages.
Mme Florin a terminé en appelant à investir dans les biens publics numériques qui présentent plusieurs avantages, notamment le fait de maintenir un lien à distance, de fournir une diversité de contenus utilisables par les professionnels de l’éducation et de susciter l’intérêt des enfants. Elle n’a pas manqué de rappeler les limites de ces outils qui ne peuvent aucunement remplacer les professionnels de l’éducation et d’appeler à la vigilance vis-à-vis de la surexposition des enfants aux écrans pouvant impacter leur développement psychomoteur et cérébral, avec pour conséquences des troubles de l’attention, du langage, du sommeil, mais aussi des troubles relationnels.
Repenser l’EPPE à l’ère du 21e siècle
La question du numérique a été une belle transition pour M. Cristian Fabbi, responsable de la petite enfance au Bureau international de l’éducation de l’UNESCO (BIE) qui a fait une communication sur le thème : « Repenser l’EPPE à l’ère du 21ème siècle : comment le BIE intègre l’EPPE dans ses activités curriculaires, en particulier dans le domaine des technologies ». M. Cristian Fabbi a d’abord présenté quelques grandes réalisations du BIE dans le domaine curriculaire en général avant d’évoquer les activités concernant spécifiquement le curriculum de l’EPPE. Pour lui, un cadre curriculaire de qualité comprend un ensemble de dispositifs politiques et d’outils pour fournir aux jeunes enfants et à leur famille une éducation de qualité. Ces dispositifs et outils ont été présentés sous l’angle du curriculum proprement dit et sous l’angle des facilitateurs du curriculum. Dans un système d’EPPE qui est cohérent, a fait remarquer le présentateur, le curriculum doit être clairement documenté, aligné, inclusif et doit également expliquer ce que les jeunes doivent apprendre, pourquoi et comment. Dans cette perspective, les programmes et outils à développer doivent être articulés autour de plusieurs éléments dont les compétences du XXIe siècle, l’éducation à la citoyenneté mondiale et au développement durable, l’éducation en langue maternelle, les technologies de l’information et de la communication et le développement socio-émotionnel via une approche joyeuse et ludique. Il a ensuite présenté les facilitateurs du curriculum en termes de normes juridiques et régulation, d’approche de l’enseignement, de formation initiale et continue, d’espace d’apprentissage et de matériel. M. Cristian Fabbi a fini son exposé avec la présentation de quelques expérimentations numériques et technologiques pour les jeunes enfants.
L’expérience mauricienne d’intégration du numérique
Ces deux présentations ont été enrichies par l’expérience de la République de Maurice, à travers la présentation d’un projet-pilote d’intégration du numérique au préscolaire assurée par Mme Caroline Arekion, Directrice de la Early Childhood Care and Education Authority, organisme sous l’autorité du ministère de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie. L’école maternelle mauricienne qui va de 3 à 5 ans accueille environs 24 000 enfants chaque année soit un taux de 96% d’admission avec 800 établissements répertoriés dont 80% représentent des écoles privées payantes et 20% des unités préscolaires publiques gratuites. Mme Caroline Arekion a donné les objectifs du projet qui visent notamment à exposer les enfants au numérique, à faciliter l’apprentissage par des applications ludiques et à faciliter la communication avec les parents. Les participants ont pu découvrir les différentes phases du projet, à savoir la recherche dans l’offre existante des applications les plus pertinentes pour une utilisation en classe ; le développement de logiciels adaptés pour l’apprentissage des langues ; le développement du concept Digital Storytelling, l’équipement de chaque école d’un écran interactif et l’accès au programme en faveur aussi bien des écoles publiques que privées. Mme Caroline Arekion a terminé sa présentation en disant que : « l’enfant Mauricien a du mal à maîtriser le français et l’anglais, langues qu’il n’utilise pas à la maison. Cette problématique est commune à beaucoup de pays Francophones ». C’est pourquoi, ajoutera-t-elle, « il serait plus efficace d’aborder ce thème en travaillant conjointement et dans une synergie d’action ».
Cette dynamique partenariale a été appelée de tous leurs vœux par le Secrétaire général de la CONFEMEN et le Directeur du BIE, M. Yao YDO. Dans leurs mots de conclusion du webinaire, ils ont tous les deux témoigné de leur engagement à œuvrer pour une meilleure prise en compte de la petite enfance dans les politiques éducatives.